Lettre à une absente

Ça aurait pu être autrement :

Deux jeunes femmes sur une plage

Un soir de joie, des histoires

Des petites, nappées de glace américaine

Et des difficiles, soutenues par la bière

Et l’espoir de comprendre notre rôle, dedans.

Les cheveux plaqués sur le front, les joues,

Nous aurions trituré le sable, dispersé

Les coquilles de coques et les manches à couteaux.

A côté de nos sacs vidés, vides au carré.

Avant la nuit, tu m’aurais laissé prendre

Une photo que j’aurais pu montrer

Chaque fois que j’aurais parlé de toi.

Mais je ne parle pas de toi.

Et je ne rêve plus de raconteries de bords de mer.

Dans le moteur de recherches, j’ai erré

Durant des années.

Dans les vidéos, les commentaires,

Je t’ai reconnue, mots tus

Et bouche cousue d’alcool.

Pour m’apaiser, je me prends pour Chihiro.

Je te donne une petite boule amère

Et tu vomis ta souffrance

Dans une purge spectaculaire et définitive.

Nous prenons le train qui roule sur l’eau et,

Comme dans le film, on regarde en silence

Défiler les îlots et les stations.

Dans la nuit, nous trouvons ton abri.

Ton visage d’avant les jours mauvais devient flou.

La dernière fois que je t’ai vue, tu flottais

Dans une énorme doudoune noire.

J’ai pensé que tu ne devais plus avoir beaucoup d’amis.

Je me suis demandée qui te fournissait, et comment tu payais.

Ton nuage noir me suit partout, surtout les soirs de joie.

Tu es devenue un membre fantôme,

Une vibration désagréable dans mon ventre,

Un regret violent, inacceptable.

Maman disait que le lierre, sur le séquoi

L’empêche de respirer.

Qu’il faut l’arracher

Avant qu’il ne durcisse et n’atteigne le houpier.

Pour Papa, le lierre est un allié qui protège

Du froid et des parasites.

Ses crampons sont indolores

Et la cohabitation possible

Même s’il alourdit le séquoia.

Je ne sais pas qui des deux a raison.

J’ai laissé un genre de lierre m’envahir.

Ça pourrait être autrement.

Concours d’ecriture - CCAS de Saint-Lo.

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